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Férocement réprimé par un pouvoir prêt à tout, étouffé au prix de quelques concessions d’un pouvoir suffisamment habile pour se maintenir ou vainqueur immédiat d’un pouvoir condamné à chuter, ce qu’il est convenu de nommé le Printemps arabe présente un bilan, près d’une décennie plus tard, relativement éloigné de l’espoir qu’il avait suscité.
Partie de Tunisie à la fin de l’année 2010 la contestation s’est propagée, en février 2011, entre autres à la Libye, ancienne colonie italienne, devenu royaume indépendant en 1951 puis République après le coup d’État, en 1969, de Mouammar Kadhafi, qui en fit rapidement un régime autocratique qu’il dirigea presque 42 années durant.
Neuf années après le début des évènements qui conduisirent en quelques mois à l’exécution du dictateur, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte le 12 février 2020 sa résolution n° 2510 sur la Libye.
Celle-ci suit de trois semaines la Conférence de Berlin qui a réuni peu ou prou l’ensemble des belligérants, directs ou indirects, s’affrontant en Libye.
En effet, non seulement en proie à l’instabilité politique depuis la chute du Colonel Kadhafi et aux luttes internes, souvent violentes, pour l’exercice du gouvernement, la Libye se trouve également représenter, notamment du fait de ses gisements pétroliers, un enjeu géostratégique important pour toutes les puissances de ce monde.
De fait, chacune de ces dernières se trouve impliquée plus ou moins directement, que ce soit par la fourniture d’armements, de combattants ou mercenaires, ou encore en soutenant financièrement l’effort de guerre, de sorte que ce chaos, permanent depuis neuf ans à l’adoption de cette résolution, régulièrement présenté comme une guerre civile, revêt en réalité, par bien des aspects, une dimension internationalisée.
Dans ce contexte, l’on peut considérer que le premier intérêt de ce texte est d’avoir été adopté, c’est-à-dire, de n’avoir avant tout attiré aucune velléité d’exercice d’un droit de veto par l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, pour certains concernés au premier chef par la situation sur le terrain libyen.
En effet, à la réussite relative de la Conférence de Berlin, immédiatement suivie d’actes persistants et contraires à leurs engagements de la part des États tiers impliqués dans le conflit, répond une résolution dont la portée peut paraître avant tout symbolique.
Toutefois, par cette prise de position, le Conseil de sécurité compose avec toute l’ambiguïté des puissances étrangères qui prennent part indirectement au conflit, tout à la fois partenaires des négociations, et à ce titre salués par la résolution, et engagés sur le terrain, et à ce titre pointés du doigt par la résolution. Cette ambiguïté prolonge d’ailleurs l’extension très extensive d’une précédente résolution du même organe de 2011 (1973) par laquelle certains États avaient pris pied dans le conflit, en considérant que « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la menace d’attaques » autorisait des actions militaires visant à soutenir les rebelles contre Kadhafi jusqu’à le faire chuter.
Ainsi le Conseil de sécurité, par un équilibre relativement subtil, parvient-il à faire adopter sa résolution par 14 voix pour et une abstention, celle de la Fédération de Russie, sans pour autant éviter totalement de faire mention de l’implication des puissances étrangères.
Pour ce faire, la résolution 2510 du 12 février 2020 se limite à la recherche d’un règlement pacifique du conflit au titre du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies (I), tout en laissant transparaître en filigrane le pouvoir de sanction conféré au Conseil de sécurité par le Chapitre VII (II).
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L’évidente recherche d’un règlement pacifique du conflit
L’objectif apparent du Conseil de sécurité, par cette résolution, consiste manifestement à soutenir la dynamique de négociation en vue d’un règlement pacifique de la situation en Libye. Ainsi écarte-t-elle délibérément le recours au Chapitre VII de la Charte lui conférant un pouvoir de sanctions (A) pour se focaliser sur la reprise des conclusions de la Conférence de Berlin (B).
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L’absence de référence au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies
C’est tout à fait volontairement que le Conseil de sécurité évite de recourir aux dispositions du Chapitre VII, bien plus que contraint par la situation.
En effet, le dernier paragraphe du préambule conclut explicitement au constat « que la situation en Libye continue de menacer la paix et la sécurité internationales », caractérisant ainsi une situation visée par l’article 39 de la Charte ouvrant ledit Chapitre VII et permettant de recourir au pouvoir de sanctions, ce dont s’abstient donc ici le Conseil de sécurité.
Par suite, non seulement le Chapitre VII n’est pas explicitement visé, mais les décisions actées par cette résolution qui auraient pu s’inscrire dans ce cadre en restent éloignées aussi par la subtilité rédactionnelle.
Ainsi, un cessez-le-feu constitue typiquement l’exemple d’une mesure provisoire telle que visée par l’article 40 de la Charte, s’il est exigé ou ordonné. Or, la résolution 2510 se limite à affirmer « qu’il importe d’instaurer un cessez-le-feu durable en Libye à la première occasion et sans condition préalable » dans son préambule, avant de « demande(r) instamment aux parties de s’engager en faveur d’un cessez-le feu durable (...) » dans son dispositif. La nuance est évidente.
De même, les violations du droit international humanitaire sont susceptibles de sanctions prononcées par le Conseil de sécurité. En l’espèce, ce dernier se déclare « gravement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire en Libye » et formule la seule injonction de cette résolution, celle adressée « à toutes les parties au conflit de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international humanitaire ». Il n’est explicitement dressé aucun constat de manquements à ces obligations ni, a fortiori, désigné quelque responsable que ce soit.
Le Conseil de sécurité évite donc tout à fait habilement la question des sanctions, qui a, du reste, été traitée par d’autres résolutions et ce, depuis le tout début de la crise libyenne, notamment par la résolution 1970 de 2011.
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La reprise des conclusions de la Conférence de Berlin, objectif de la résolution
Si le Conseil de sécurité agit ainsi, c’est que l’objet central de la résolution est de reprendre, pour leur donner une portée significative, les conclusions de la Conférence de Berlin du 19 janvier 2020, non sans souligner également tous les mécanismes visant à apporter un règlement pacifique au conflit libyen.
À ce titre, le « ferme appui aux efforts que déploient la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Représentant spécial du Secrétaire général » est rapidement réaffirmé, étant précisé que la MANUL est une mission exclusivement politique sans mandat d’ordre militaire.
Il est d’ailleurs rappelé dans le même paragraphe du préambule « qu’il ne saurait y avoir de solution militaire en Libye » et souligné « le rôle central que joue l’Organisation des Nations Unies pour faciliter un processus politique inclusif (...) ».
Puis la focale est immédiatement portée sur la Conférence de Berlin du 19 janvier 2020 et les engagements pris par les participants, États voisins et organisations régionales, vivement salués pour leur implication.
Si une large part du préambule porte sur les efforts de négociation, le dispositif s’ouvre quant à lui, dès ses points 1 et 2, sur l’adoption par le Conseil de sécurité des conclusions de la Conférence, avant que ce dernier n’invite le Secrétaire général à s’en emparer à son tour.
De même, la « Commission militaire 5+5 », vivement encouragée par le dispositif adopté par le Conseil de sécurité, est, comme son nom l’indique, composée de militaires parties aux conflits, mais mise en œuvre à des fins de négociations, elle aussi, et sa réactivation est rendue possible par la Conférence de Berlin.
Enfin, si l’évocation d’un cessez-le-feu ne constitue pas, nous l’avons démontré, une mesure provisoire au titre de l’article 40 de la Charte, la demande faite aux parties de « s’engager en faveur d’un cessez-le-feu durable » relève bien d’une reprise à son compte, par le Conseil de sécurité, des discussions de la Conférence de Berlin qui n’ont pu aboutir sur ce sujet.
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L’ombre portée du pouvoir de sanctions
L’objet de cette résolution, visant exclusivement à soutenir le règlement pacifique du conflit, n’empêche pas pour autant la présence évocatrice des prérogatives de contraintes attribuées au Conseil de sécurité, dans les points 8 à 10 du dispositif de cette résolution, par le rappel des sanctions en cours contre les parties au conflit d’une part (A) et, d’autre part, par la possibilité entrevue de les étendre aux États tiers qui continueraient de s’ingérer dans le conflit (B).
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Le rappel des sanctions prises précédemment contre les parties au conflit
Quoique cette résolution ne prononce pas de nouvelles sanctions contre aucune des parties au conflit, elle s’appuie très explicitement sur des précédentes prises au visa des dispositions du Chapitre VII de la Charte.
La résolution 1970 date du 26 février 2011, soit moins de deux semaines après le début des évènements en Libye. Prise en application notamment de l’article 41, permettant la mise en œuvre de mesures contraignantes non militaires, cette résolution décide d’une batterie de sanctions à l’égard du régime libyen et de certains de ses dignitaires, consistant en un embargo sur les armes, des interdictions de voyager, gels d’avoirs, et en la création d’un Comité de suivi des sanctions.
Cette résolution 1970 est ici explicitement rappelée « telle que modifiée par les résolutions ultérieures ». Ces sanctions ont en effet été réaffirmées et complétées plusieurs fois par la suite, entre 2011 et 2019.
Il est toutefois notable que ces sanctions ne sont dirigées qu’à l’encontre des parties directement engagées dans le conflit, celles qui s’affrontent sur le terrain en vue de conquérir le pouvoir de gouverner la Libye. Autrement dit, les puissances étrangères impliquées dans le conflit ne sont pas concernées par le régime de sanctions.
Par ailleurs, le 11 février 2020, soit la veille de la date de la résolution ici commentée, le Conseil de sécurité adoptait la résolution 2509, prolongeant entre autre le régime de sanction imposée à la Libye.
La proximité dans le temps de ces deux résolutions semble démontrer la volonté franche du Conseil de sécurité de dissocier les différents aspects du traitement de la situation, entre diplomatie d’un côté et sanction de l’autre.
Mais peut-être s’agit-il aussi de différencier les adresses et les messages en fonction des niveaux d’implication.
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La menace de sanctions à venir contre les États tiers impliqués
Puisque la finalité de la résolution 2510 est de soutenir un processus de règlement politique, la question se pose de la nécessité d’y mentionner des sanctions, par ailleurs objet de la résolution 2509 de la veille.
L’articulation des points 9 et 10 du dispositif de la résolution nous permet de soulever une hypothèse quant aux intentions du Conseil de sécurité.
Pour commencer, en son point 9, il rappelle en effet les personnes susceptibles de se voir infliger une décision de sanctions, savoir celles qui « se livrent ou apportent leur appui à des actes qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité de la Libye », le rôle du Comité de suivi des sanctions et la nature de ces dernières, en énonçant que ces personnes « peuvent être désignées par le Comité (…) aux fins de mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs (...) ».
Dans un deuxième temps du même point 9, le Conseil de sécurité « souligne que le Comité envisagera la désignation des personnes ou entités qui contournent l’embargo sur les armes ou le cessez-le-feu (...) », avant de rappeler en ouverture de son point 10 « les engagements pris à Berlin en faveur du respect de l’embargo sur les armes ». La suite du point 10 est encore plus claire et précise encore l’adresse, puisqu’il exige « de tous les États Membres notamment qu’ils se conforment pleinement à l’embargo sur les armes (…) et en particulier de cesser d’apporter toute forme d’appui aux mercenaires armés et d’opérer leur retrait total » et, de manière plus générale, « qu’ils s’abstiennent d’intervenir dans le conflit ou de prendre des mesures de nature à l’exacerber ».
Il n’est donc pas interdit de penser que le Conseil de sécurité a voulu adresser, par le biais de cette résolution, ainsi rédigée et exposée, le message d’une possibilité d’extension des sanctions à des personnes ou des entités non libyennes, autrement dit à des États ou dirigeants d’États qui continuent de s’impliquer dans le conflit, alors même qu’ils se sont engagés lors de la Conférence de Berlin à s’abstenir de toute ingérence.